JACQUES-LOUIS, comte de BOURNON
Jacques Louis de Bournon et Haüy : amis ou ennemis ?
Les ANGLES DE LA CALCITE,
sorte d’ÉPINE DANS L’OEIL
Basé sur le goniomètre optique de Wollaston, de Bournon mesure des angles différents de ceux d’Haüy pour la calcite(105°5’) versus 104°28’40’’) soit une différence (36’) qui vont bien au dela de la précision du goniomètre mécanique de Carangeot (20’).
Ces mesures disent également que les lois cristallographiques ne suivent pas forcément des concepts rationels « les plus simples possibles » comme la christianité de l’abbé le pousse à voir.
Au delà de la théorie, c’est la pensée théologique d’Haüy qui vacille...
Calcite (avec quartz, Isère, France) et aragonite (Espagne ?) de la collection de Bournon.
Paris, MNHN, minéralogie.
Photo : ©MNHN
Émigré en Angleterre
Dès la Révolution, Jacques Louis émigre en Angleterre où, après ‘être occupé des armées légitimiste du prince de Condé, il réorganise de grandes collections privées britanniques où il fait ses principales découvertes cristallographiques dont les études sur le corindon avec Sir Abraham Hume II (1749-1838) et Lord Charles Francis Greville (1749-1809).
Georges Romney : Lord Greville (1780).
©wikimedia/thepeerage.com
attrib. Georges Romney : Sir Hume (date inconnue). ©wikimedia/Christies
De la crichtonite à la bournonite
Jacques Louis de Bournon a décrit de nombreuses espèces dont la crichtonite et la humite. En retour, le minéralogiste français, chef des gardes au MNHN et « assistant » d’Haüy, Jean André Henri Lucas (1780-1825) lui a dédié en 1813 la bournonite que de Bournon nomma originellement « fibrolite » ainsi que l’espèce qui deviendra sillimanite. Lucas résoud élégamment cette ambiguité en renommant la première fibrolite. Le minéralogiste américain George Thomas Bowen (1803-1828) renommera la seconde fibrolite en sillimanite puisque ce minéral ne forme pas systématiquement des fibres.
Paris, MNHN, minéralogie.
Photos: ©MNHN
deux des bournonites
de la collection de Bournon. Ce sont, de facto, les types de l’espèce.
RETOUR AVEC LOUIS XVIII
Arrivé à Paris en 1815 après la Restauration, de Bournon vend sa collection au roi Louis XVIII (1755-1824) qui le nomme... conservateur. Outre la description d’espèces, il est l’un des premiers à décrire les minéraux des météorites. Entre son exil anglais et son retour parisien, ses échanges avec Haüy sont vifs mais courtois. Les documents manuscrits d’Haüy conservés au Muséum montrent que ce dernier prenait bonne note des observation du comte. Il montre que le saphir et le corindon sont deux variétés de la même espèce, le corindon, une découverte qui va aider Haüy à concrétiser un projet sur les pierres précieuses.
Types de la crichtonites (Oisans, France) sur leur socles emblématiques de la collection de Bournon/Louis XVIII. Paris, MNHN, minéralogie. Photos : F. Farges©MNHN
Les corindons naturels et taillés de la collection de Bournon/Louis XVIII (néotypes). Paris, MNHN, minéralogie. Photos : F. Farges©MNHN
Michel Marigny d’après François Gérard : Louis XVIII à son cabinet aux Tuileries (vers 1820). Chateau de Versailles. © wikimedia
SA COLLECTION
A la mort du roi Louis XVIII, son frère Charles X monte sur le trône. Il ne s’intérèsse pas aux minéraux et dissout le cabinet privé de son frère. De Bournon en est très affecté et meurt peu de temps après.
Sa collection est divisée entre le MNHN et le Collège de France qui s’en sépare en 1990 et que le MNHN récupère in-extremis aux encombrants : la collection est enfin re-réunie. Le MNHN possède, en outre, le catalogue manuscrit de la collection du roi.
LA RESTAURATION
La Restauration des Bourbons est la seconde mauvaise nouvelle pour Haüy. Ayant failli être assassiné en septembre 1792 à cause de son ralliement à l’Eglise de l’Ancien Régime (et donc, celle du roi), il était devenu dès 1802 un proche de Napoléon qui avait ordonné à Haüy d’écrire en quelques mois seulement, le fameux Traité élémentaire de physique qui reste, de loin, l’ouvrage le plus diffusé d’Haüy (nombreuses réédtions depuis 1802). L’empereur avait même emmené l’ouvrage comme l’un de ces « livres de chevet » durant son exil à l’île d’Elbe
Ainsi, l’abbé intrigue par ses amitiés trop versatiles. S’il continue de collectionner, professer et publier ses recherches malgré sa santé déclinante sa survie matérielle devient difficile que même la nomination de chanoine de Notre Dame de Paris ne compense pas.
LE CABINET MINéRALOGIQUE DU ROI
et le CABINET ROYAL DE MINéRALOGIE
Dès 1815, il existe donc deux cabinets royaux de minéralogie :
•le « privé », situé originellement au 9 place Vendôme au sein de l’hôtel de Villemaré puis dans l’hôtel loué à Charles Marie François Margerin de Crémont (1764-1847) situé au 8b de la place du Palais-Bourbon et dirigé par de Bournon, assisté de François Sulpice Beudant (1787-1850)
• le cabinet national, toujours localisé au Jardin des plantes mais renommé « Cabinet royal » car « MNHN » était la marque trop visible de la Terreur révolutionnaire de 1793. Les crédits vont au premier cabinet.
Les trois sépultures des de Bournon ont été retrouvées par Pierre-Jacques Chiappero (MNHN) au cimetierre du Père-Lachaise à Paris même si aucune inscription ne permet de l’identifier précisement (ce sont les archives de la concession qui l’identifient encore).
La soeur de Jacque-Louis, Charlotte de Bournon (1753-1842) reste connue pour ses nombreux romans.
Phrase de Jacques Louis à l’endroit de René-Just, superbement écrite en toxiques politesses...
Mais le décès du roi en 1824 va clore l’éclairicie pour de Bournon qui perdit sa fille unique puis son épouse. Il se retirera publié de tous à Versailles où il mourra peu de temps après en 1825. Beudant qui, en nommant l’azurite dans la première édition de sa minéralogie (1824), rend un faible hommage à son mentor (mais bien plus à Haüy) puis l’oublie dans sa version révisée de sa minéralogie de 1830-1832 où il nomme de nombreuses espèces minérales - souvent déjà bien connues depuis Haüy - en se basant sur l’ancienne collection de Bournon/Louis XVIII, alors déjà répartie depuis 1825 entre le Collège (royal) de France et le Jardin des plantes jusque dans les années 1990 où les deux collections sont enfin et logiquement re-réunies.
Photos : ©P.J. Chiappero
Photo : ©F. Farges/Archives nationales
Photo : ©F. Farges/Archives nationales
signature de de Bournon
Photo: ©F. Farges/Archives nationales
Après Romé de l’Isle et Haüy, Jacques Louis, comte de Bournon (1751-1825) est le troisième des grands cristallographes français. On ne lui connait aucun portrait. Fort d’une solide éducation militaire et naturaliste, il se passionne pour la minéralogie de la Lorraine au Dauphiné.
On ne lui connaît aucun portrait.
Alexandre Carminade : Louis Joseph de Bourbon, Prince de Condé (1841).
©wikimedia
L’abbé Haüy partage, avec le comte de Bournon, les bonnes manières des « gens de qualité » d’alors. Pour ce duel, épée ou pensée ?
Quelques cristaux isolés (or natif, bournonite et liroconite) et gemmes (lapis-lazuli et zircon)
de la collection de Bournon/Louis XVIII (MNHN).