LA PUISSANTE École allemande
L’ÉCOLE ALLEMANDE À LA CONQUÊTE DE PARIS
Tout comme Haüy avait intégré diverses règles géométriques « oubliées » par Romé de l’Isle, l’allemand Christian Samuel Weiss (1780-1856) va conceptualiser davantage les découvertes d’Haüy. Sur la base des molécules intégrantes géométriques de ce dernier, Weiss défini, en 1813, ce qui deviendra les « 7 systèmes cristallins » que Friedrich Mohs (1773-1839) et Carl Friedrich Naumann (1797-1873) vont ensuite préciser et formaliser.
Christian Samuel Weiss (1780-1856)
Les 7 systèmes cristallins
le cube est étiré ou rétrécit dans une direction
le cube est étiré ou rétrécit dans deux directions
le prisme est incliné dans une direction
le prisme est incliné dans deux directions
prisme court ou allongé mais avec une base hexagonale
délimité par six losanges identiques
TRAVAUX PRATIQUES :
LA COMPLEXE DÉCOUVERTE DES 7 SYSTÈMES CRISTALLINS (avancées et reculs de l‘Ecole allemande)
Une théorie moribonde : la vaine résistance D’HAÜY
A la fin de sa vie, Haüy voit sa théorie mise à mal : sa loi de symétrie ne paraît pas toujours vérifiée, des espèces chimiques ont des molécules différentes, des minéraux devraient mélanger deux molécules différentes. Après son décès, l’école allemande triomphe ; elle rejette le concept de molécule et favorise plutôt une théorie continue de la matière.
Aujourd'hui encore, nous continuons à décrire les systèmes cristallins par des descriptions polyédrales car les descripteurs axiaux sont plus complexes à visualiser. En effet, le concept moléculaire est beaucoup plus didactique.
D'autre part, l'école allemande rejetant l'approche moléculaire, elle favorisera une théorie plus ondulatoire des cristaux qui, cependant, ne survivra guêre au 19e siècle, puisque les molécules existent bel et bien.
Gabriel Delafosse (1796-1870) tente de relever l’école cristallographique française en améliorant le modèle de son maître, Haüy lui-même. En 1840, il propose une structure où la molécule intégrante de Haüy devient un volume qui contient une molécule de forme géométrique.
LA RÉPONSE FRANÇAISE
Les « fils de molécules » illustrant le concept de réseau cristallin et de maille élémentaire conçu par Delafosse (ci-contre) et montré durant ses cours au MNHN entre 1857 et 1878. Paris, MNHN, minéralogie. Photos : F. Farges©MNHN
La fusion « Haüy - Weiss » au MNHN avant 1850 (date exacte inconnue) : les « molécules inégrantes » sont des mailles et symétrisées par des axes.
Paris, MNHN, minéralogie. Photos : F. Farges©MNHN
L’École française continuera avec Pasteur, Laurent, Bravais et tant d’autres... puis et fusionnera avec la suédoise, l’allemande, la russe, l’anglaise, la suisse, l’étatsunienne….
D’AUTRES SOUCIS
Mais Haüy n’arrive pas à se convaincre des controverses sur ses théories : il considère que les différences angulaires mesurées sur la calcite via le goniomètre optique sont dues uniquement à quelques impuretés qui modifient les propriétés physiques et morphologiques des cristaux.
Le jeune cristallographe allemand Christian Samuel Weiss (1780-1856) traduit le traité de minéralogie d’Hauy en allemand, lui rend visite à Paris et propose une nouvelle théorie axée sur les axes de symétrie que Haüy rejette également, à tort.
La même aventure arriva pour un autre jeune allemand, Eilhard Misterlich (1794-1863), qui propose - bien que maladroitement, le concept d’isomorphisme que récuse encore Haüy (à tort).
Et, au crépuscule de sa vie, l’abbé enfonce le clou toujours davantage pour défendre sa théorie « de la simplicté naturelle », quitte à se faire davantage douleur, refusant jusqu’à l’aveuglement ; une faiblesse que l’Ecole allemande va rapidement reprendre pour débâtir les thèses du français.
Eilhard Misterlich (1780-1856)
WERNER ET LA RICHE ÉCOLE ALLEMANDE
Bien avant Haüy, Abraham Gottlob Werner (1749-1817) a décrit de nombreuses espèces nouvelles depuis la brillante École des mines de Freiberg où il fut étudiant de 1769 à 1771 puis professeur de 1775 à 1817. Champion du neptunisme, il marqua la carrière de Romé de L’Isle et d’Haüy en forgeant de nombreuses espèces nouvelles, ainsi que des roches comme la syénite, mais sans l’approche innovante de la cristallographie qu’a insufflé Haüy.
Abraham Gottlob Werner
En cette période de nationalisme pangermanique croissant, l’école allemande triomphe sur l’école parisienne. En témoignent les modèles de Weiss-Mohs-Naumann, introduits au Muséum vers 1835 : avec eux, l’école parisienne de cristallographie démontre son ouverture d’esprit retrouvée :
read Kjellman’s study on wooden models at Freiberg incl. Haüy’s (2017-2020)
Les allemands frappent à la porte, Haüy ne les écoute pas vraiment. Entre temps, de Goethe à Beethoven, les germanités se rassemblent...