de Paris à Londres,

de Buckingham AU JARDIN

 

LA COLLECTION HAÜY VENDUE AU DUC DE BUCKINGHAM


Haüy avait refusé de vendre ses collections à des princes pour la donner au Muséum.


Georges Cuvier (1769-1832) prononce son éloge en inventant l’histoire de la calcite qu’Haüy aurait fait tomber par maladresse et, dans la foulée, trouve sa théorie des décroissements rationels.

RETOUR AU BERCAIL


Après le décès du duc de Buckingham criblé de dettes, ses prorpéiéts sont vendues : ce sera l’une des premières grandes ventes de Christie’s.

Dans le catalogue de vente, la collection Haüy est mise à prix savoir les presque 9 000 échantillons de minéraux, roches, modèles, cristaux ainsi qu’un portrait et une collection d’ambre mais provenant d’un certain « Capitaine Nevill » de la Royal Navy. Ainsi que les vitrines contenant ces spécimens.

G. Romneye : Richard Temple-Nugent-Brydges-Chandos-Grenville (1er duc de Buckingham et Chandos)(avant 1800)

Mais il est trop tard, la collection a été vendue pour la somme faramineuse de 100 000 francs à Richard Temple-Nugent-Brydges-Chandos-Grenville, premier duc de Buckingham et Chandos (1776-1839).

Plus sérieusement, ce même Cuvier informe l’administration du Muséum qu’il y en a quatre collections Haüy : minéraux, roches, modèles en bois et gemmes.

Minéraux et gemmes sont montées sur socles en bois noir via du bitume de Judée pour caler les spécimens. En outre, il précise que les gemmes sont, de surcroit, montées-or.


Peu de temps après la mort d’Haüy, le MNHN offre à ses héritiers, les enfants de son frère Valentin soient Catherine et Philodème, 50 000 francs pour la rachat de sa collection personnelle.

Armand Dufrenoy (1792-1857), anglophile convaincu et Professeur du MNHN, se rend sur place et acquiert la collection pour 325 livres sterling et 10 shillings au nom des « Directors of the Jardin des Plantes » [sic !].

Le Muséum réussit aussi à récupérer la collection via l’entremise d’un entrepreneur français de la Nièvre,  Émile Martin (1794-1871), polytechnicien, entrepreneur de fonderies à la Garchizy-Fourchambault et également établi à Londres, qui avança les fonds, soient 12 094 francs pour l’achat et les frais divers ainsi que et 2 110 francs de transport de Londres à Paris. Sa mémoire a été oubliée depuis mais il est de mon rôle ici de la restituer d’autant que mon arrière grand père, François Pliquet, de qui je tiens mon prénom, y était chimiste minéral.

lire The Stowe Catalogue par Forster (1848)

ARCHIVES


La collection sera réétiquetée par Dufrenoy ainsi que son catalogue traduit en français ce qui permet, de nos jours, de connaitre les textes des étiquettes inscrits par Haüy sur les socles et dont certains se sont effacés depuis voir perdus.


Car la collection Haüy, ainsi que celle des modèles de Romé de L’Isle fut longtemps exposée dans le vestibule de la Grande Nef de minéralogie ce qui altéra les encres metallogalliques.

Aperçu du vestibule de la nef de minéralogie (par Pierre Petit, vers 1895) montrant les deux vitrines des modèles de Romé de L’Isle (autour de la grand porte centrale) et plus à l’écart, deux des cinq grandes vitrines obliques contenant la collection Haüy.

Les gemmes seront démontées de leurs socles en bois, quelquefois de manière sauvage, au sécateur. Heureusement, les socles furent conservés et je les remis avec les gemmes en 2019.


Par contre, des milliers d’échantillons ont été décolés il y a peu dans un but de conservation... et leur bitume de Judée mis à la poubelle avant que nous puissions intervenir, informés de ce vandalisme, pour stopper cette misère.

QUELQUES BELLES NOUVELLES


Nous ne savons pas avec certitude si le portrait qui accompagnait la collection d’Haüy vendue par les héritiers Buckingham en 1848 était cette peinture anonyme et non datée qui résida mongtemps au laboratoire de minéralogie du Muséum avant d’etre confiée à la Bibliothèque centrale.

Ce portrait ressemble beaucoup à celui effectué par Rembrant Peale en 1808 à Paris. On sait qu’il fit une copie en 1809 à Philadelphie et qu’il l’expédia à Haüy que la nièce s’impatientait de voir (lettre retrouvée par J. Kjellman à Berlin).

Soucis de cordiérites de la collection Haüy : à gauche, deux cordiérites préservées avec leur bitume de Judée noir pour les socler ; à droite trois détériorées récemment. Celle du milieu avait déjà perdu son échantillon, emprunté par un chercheur à une date inconnue mais non remis en place et probablement perdu sauf un cristal de quartz hématoïde. À sa droite, un cristal qu’on ne peut remettre en place, son bitume de Judée ayant totalement été éliminé à contrario de celle tout à droite qui possède encore une trace de bitume sur le spécimen ce qui permet, tant bien que mal, d’imaginer une reconstitution du montage original voulu par Haüy. Mais pour des centaines de spécimens, l’information a été irrémdiablement perdue en 2014. La barre d’échelle vaut 1 cm. Paris, MNHN, minéralogie. Photos : F. Farges@MNHN.

AUTRES SOUFFRANCES


La collection d’ambre dite « d’Haüy » est composée d’ambres sertis-or par Haüy mais surtout composée de spécimens récoltés par un certain Capitain William Nevill (Esq. Winchester) de la Royal Navy (dates inconnues, actif 1800-1825), qu’il a récolté sur l’île Saint-Brandon et plus particulièrement sur les écueils et bancs de sable de Carcados Carajos (au nord de l’île Maurice dans l’océan indien) et rajouté au fond Haüy par Buckingham.


Ces ambres seront sauvagement recollés sur des socles en plastique dans les années 1950.

Portrait non signé d’Haüy possiblement attribuable à Rembrandt Peale, Philadelphie, 1809, peut-etre celui mentionné dans la vente de 1848. Paris, MNHN, Bibliothèque centrale.

Nombre de ces découvertes et restaurations récentes furent montrées dans une vitrine spéciale de l’exposition « Pierres précieuses » au Jardin des plantes en 2020-2021 pour lequel j’étais commissaire scientifique, avec Lise MacDonald de Van Cleef & Arpels, le mécène principal de cet évenement.

Vitrine de la troisième partie de l’exposition « Pierres précieuses » au Jardin des plantes à Paris (2020-2021) montrant l’apport d’Haüy à la minéralogie (à gauche), la cristallographie (au centre) et aux gemmes (à droite).

Première page du catalogue de la collection Haüy retraduit en français par Dufrenoy.

Un ambre du Capitaine Nevill restauré de son infame collage des années 1950. Paris, MNHN, minéralogie.

Quelques ambres serti-or de la collection Haüy. Paris, MNHN, minéralogie.

La collection sera préservée tant bien que mal, des pyrites sont déjà signalées comme en décomposition.

Hélas ! Buckingham offrira le goniomètre d’Haüy en cadeau à un certain Dr Buckland qui le remet à la collection de minéralogie de l’université d’Oxford où il doit encore se trouver meme si les recherches n’ont pas encore abouti :

Localisation du goniomètre personnel d’Haüy, visiblement dans un musée de l’université d’Oxford (nos recherches n’ont pas encore abouti).

Après sa mort, ses héritiers n’accompliront pas ses voeux de donner sa collection au Muséum mais la vendront aux anglais. Pour un temps limité...